Quoi qu’il en soit, miroire de l'esprit rebelle des peuples opprimés, héros, exemple et modèle à la fois, Bob Marley est considéré par plusieurs générations déjà comme le porte-parole défunt mais privilégié des défavorisés. Il est avant tout le premier musicien auteur compositeur interprète à incarner et assumer pleinement cette identité de porte-parole contestataire et symbolique à une échelle mondiale, un statut que d'autres comme James Brown, Bob Dylan ou John Lennon ont approché mais n'ont jamais totalement obtenu ou assumé pour diverses raisons. Avec dans son message l'essentiel ingrédient spirituel et culturel rasta, Bob Marley a été plus loin que la protestation d'ordre social stricto sensu, en dénonçant avec raison et insistance la falsification et l'omission de toute l'histoire africaine par les religions occidentales et les historiens colonialistes (« Zion Train »).
Marley confronte l'humanité à une approche de l'histoire jusque là essentiellement ignorée, puis de plus en plus largement admise, étudiée, et reprise. Son approche théologique rastafarienne, relayée par sa célébrité, fait de Marley l'objet d'un grand nombre de réflexions de nature hagiographique. Beaucoup voient dorénavant en lui une sorte de premier prophète multimédia, le fils d'un Blanc et d'une Noire, signe d'un métissage planétaire unificateur dont l'avenir dépend en bonne partie d'une meilleure connaissance du passé. Comme l'écrivait le New-York Times de façon peut-être aussi ironique que prophétique quinze ans après sa disparition, "en 2096, quand l'ancien tiers-monde occupera et colonisera les anciennes super-puissances, Bob Marley sera commémoré comme un saint."